17 juillet 2006 - 7h00
Mon ami "BOB" est arrivé vers 5h00 du matin, réveillant du même coup Werner. Dernière tentative de mettre le voilier cap au Nord mais après de très gros efforts, celui-ci ne bouge pas. Le moral quitte peu à peu Monsieur Wichert Werner. Depuis le 13 juillet, son voilier est échoué.






17 juillet 2006 - 18h00

Pour tuer le temps, Werner s'occupe tant bien que mal. Il erre de plus en plus désemparé sur son voilier. Hormis les quelques personnes qui s'arrêtent pour lui parler, pour lui proposer une aide, pour lui donner de petites choses, pour lui permettre de téléphoner en Allemagne, il semblerait que son sort échappe totalement aux autorités compétentes.
Enfin, c'est ce qu'il m'a déclaré.
Il ne comprend pas : tout ce qu'il demande, c'est qu'on lui propose une solution chiffrée afin de mettre son voilier sur un plateau et repartir vers l'Allemagne.
Une baleine qui s'échoue, un oiseau que l'on retrouve mazouté ... et là, tout le monde est sur le pont. Mais une personne âgée de 70 ans, qui reste 24h sur 24 à bord de son voilier planté sur le sable, sous un soleil de plomb, c'est banal !!!
Je suis écoeuré - et je ne suis pas le seul - par ce que je vois, ce que je ressens en écoutant Werner m'expliquer que ses vêtements sont humides, qu'il est fatigué, qu'il ne comprend pas qu'on l'abandonne ...
Un portable que je lui tends après avoir composé le numéro de sa famille en Allemagne, et Werner retrouve son sourire. Il est 19h30, il est en communication avec sa famille. Le ton est plus doux, son visage s'illumine ... nous parlons de nos passions, de nos familles, de nos enfants ...
On apprend par exemple qu'il est parti de Köln (Cologne) depuis mai, qu'il a descendu le Rhin pour retrouver la mer, qu'il a parcouru le monde sur toutes ses mers, qu'une de ses passions est l'Astronomie. Il lui arrive encore d'utiliser son sextant pour suivre un cap.
Côtés "politiques" :

le ministère des Transports a reçu mon mail et leur réponse est encourageante :

Bonjour, Nous avons bien reçu votre courriel et recherchons la personne la plus à même de vous répondre ou de vous aiguiller.

La webmestre "contact" du ministère des Transports,de L'Equipement,du Tourisme et de la Mer . (17-06-2006 : 10h26)

La CUD de Dunkerque
Le webmestre a transmis le message à qui de droit.

Demain est un autre jour ... et j'espère, ou plutôt nous espérons que demain sera le bon jour pour le LISA et Herr Werner Wichert.

18 juillet 2006 - 7h30
Aujourd'hui, je vais découvrir les réponses aux mails que j'ai envoyés cette nuit : ce sont comme de petites bouteilles à la mer.

Avant d'aller au travail, je m'assure que Werner ne manque de rien, lui promettant de revenir en fin d'après midi.


18 juillet 2006 - 17h00

Les Affaires Maritimes sont passés le matin puis, l'après midi, les services techniques de la ville de Dunkerque sont sur le terrain. Une des options retenues serait de soulever le voilier pour le placer sur un plateau afin que son propriétaire le ramène en Allemagne. Reste à étudier la faisabilité et son prix !
Tout cela va donc représenter un coût non négligeable :-( . Werner m'a confié qu'il n'était assuré qu'au tiers et le chiffre annoncé pour donner un ordre d'idée est bien trop élevé pour ses modestes moyens.
Le plus important, c'est de sortir le LISA de son sable, pour l'argent, on en parlera après.

19 juillet 2006 - 7h25
Hello Werner, how do you do?
I 'm very happy.
Mais le ton n'est pas comme d'habitude et très vite j'ai compris, qu'il ironisait sur son sort. Il a parlé de cette visite faite par les services techniques de Dunkerque et de la société Eurolevage. Il est écoeuré, à bout de nerfs ... et pourtant, il en a vu le Werner, mais là !!!
Les moyens envisagés - 2 grues de 250T - lui paraissent démesurés. Avec ses doigts, il me fait comprendre que cela va coûter très cher. Il n'a pas beaucoup dormi cette nuit.

Et pour couronner le tout, il est constamment importuné la nuit par des drogués, par des jeunes qui veulent monter sur son voilier, qui veulent le racketter ...
Quelle superbe image de notre Europe que Dunkerque montre sous la bienveillante surveillance des RAY BAN !

Je viens une nouvelle fois d'insister pour que l'on écoute Werner : il n'a pas beaucoup d'argent et donc ne peut accepter que ce qui est acceptable et accepté par lui.

Il n'y aura plus de photos (d'ailleurs, je n'en ai plus aucune envie) à partir d'aujourd'hui car montrer la colère d'une personne dans sa détresse, ce n'est pas mon genre.
Il faut des actes comme par exemple : que ce voilier soit mis sur un camion afin qu'il le ramène chez lui. Il a passé 4 années à le construire et il ne va pas l'abandonner. Comme ça de France non plus !
Vous êtes de plus en plus nombreux à visiter ce blog, c'est génial ... mais parlez-en autour de vous, afin de grossir cette population qui s'indigne de ce qu'elle voit.

Je remercie Catherine BEYAERT, Journaliste à Europe 2 Dunkerque / Côte d'Opale pour m'avoir relayé dans ses infos.
On se mobilise autour du LISA et de Werner ! je en vous remercie du fond du coeur. Werner est une personne qui ne demande qu'à quitter le sable malouin mais pas en lui donnant une facture salée.

19 juillet 2006 - 17h30
En quelques heures, le moral de Werner est de nouveau au beau fixe : l'opération de grutage semble prendre le large au profit d'une opération beaucoup moins coûteuse mais pour cela, d'une part il faut attendre les grandes marées du mois d'août (à partir du 10 août) et d'autre part obtenir l'assurance des autorités de la ville de Dunkerque que les RAY BAN ou autres cow-boys en manque d'aventures, ne viennent pas le chercher de force.
Werner, à qui l'on a expliqué la situation cet après midi, serait d'accord sur cette solution. Des personnes viennent spontanément offrir leur service pour cette opération. Même mon ami, le capitaine Haddock, a proposé de jouer la grenouille (en fait, et vous l'aurez compris, c'est un plongeur).

19 juillet 2006 - 19h00
Le temps se couvre sur Dunkerque et sa région, et les 38° deviennent un vieux souvenir. Je suis de nouveau sur la digue avec Werner et un ami. On lui fait part des dernières nouvelles.
C'est un vrai dilemme :

  • attendre les grandes marées et espérer que l'opération qui consisterait à creuser un gros trou et ensuite une fois que le LISA flotte, de le tirer avec plusieurs bateaux (et là, on les a) vers le large pour l'emmener au port au sec. Le risque, c'est d'une part que la hauteur d'eau ne soit pas au rendez-vous, et que d'autre part il ne s'est rien passé au niveau sécurité. Nous sommes entrés dans une ère où la responsabilité du maire est très vite engagée ...
  • entreprendre au plus vite le grutage afin d'assurer la sécurité des vacanciers et de Werner. Reste que le coût d'une telle opération ruinerait Werner !

Demain une traductrice viendra lui expliquer clairement la situation et surtout recueillir son opinion. Elle lui expliquera également que le maire dispose d'un pouvoir de police, et qu'il peut prendre par arrêté les mesures exigées par les circonstances, ou le danger auquel il doit remédier.

J'ai le sentiment que l'opération grutage refait surface. Le prix évoqué demeure pour l'instant une rumeur de la digue de Malo :-) . En fait, il n'y a à ce jour aucun chiffre sur le bureau du responsable des services techniques de la ville de Dunkerque!.
Quoiqu'il en soit, même si le temps se gâte - un peu - sur Dunkerque, le LISA pointera bientôt sa proue vers le port de Dunkerque que ce soit par la mer ou par la route.
Demain, l'ami "BOB" viendra lui amener une glacière qui devrait permettre à Werner de garder des produits frais offerts par des gens sympas. Les blocs réfigérants seront changés une fois par jour.
Je suis impressionné par l'ampleur du courant de sympathie envers Werner. Allez ! On garde le moral et surtout le cap.

20 juillet 2006 - 7h20
Comme tous les matins, je me dirige vers le LISA. Il n'a pas bougé : en fait son fond plat en est la cause. Les deux ailerons le stabilisent.
Werner est toujours dans sa cabine, et je n'ai pas osé le déranger.
10h10 : les services techniques de la ville de Dunkerque me préviennent que l'opération prévue avec deux grues de 250T chacune n'est pas retenue. Le prix est à l'image de leur poids :-( .
A cet instant, je pense à Werner, lui qui ne voulait pas de cette solution ... et je l'ai vu sourire, dans mes pensées.
Autres solutions envisagées - qui, au premier abord, me paraissent très séduisantes - serait de soulever le LISA avec l'aide d'une grue sur chenilles ou encore de creuser une sorte de chenal à l'aide d'une pelle. Une rencontre est prévue vers 11h00 avec Werner.
Côté solidarité, de nombreux copains, des potes des potes, des marins ... viennent aux nouvelles et se ranger à nos côtés : plusieurs bateaux sont prévus pour emmener le LISA vers le port afin que Werner puisse le réparer avec l'aide d'autres personnes occupants des postes hauts placés.
Le temps n'est pas aussi chaud qu'hier mais dans mon jardin secret, le soleil brille très fort.